Inconnu me dévore
Séverine Vermersch
2018 - 70 min - Video Full HD - Couleur et Noir & Blanc - France

La mer est violette, si proche, les couleurs ont passé, les grains différents, les textures aussi. Des hommes nous regardent, un autre dort sur le pont, songeant peut être à cette femme en robe légère.
Le ton est donné : ces images sont des films amateurs dans tous les formats, en couleurs et noir et blanc, faits par les marins. Ces hommes nous font face.
Ils sont beaux, car émus de redécouvrir leurs images. De cette confrontation naît leurs récits et notre émotion. Une émotion que seul le cinéma suscite et qui nous ramène à nous mêmes. Hyacinthe nous embarque dans ses images en noir et blanc des années 30 puis en couleurs. On y découvre les campagnes de 6 mois dans le Grand Nord, le travail, les odeurs, et les rires aussi. Jean-Luc, chargé de l’assistance aux pêcheurs, revit ce moment filmé en Super 8 du zodiac pris dans les glaces et puis le transbordement d’un blessé. Son émotion déborde quand il revoit ses images tremblantes de St-Pierre-et- Miquelon où il a laissé un chagrin d’amour. Un autre me montre fièrement sa Bolex avec laquelle il a bricolé des petits films documentaires.
Chef radio sur les cargos, Loic avait la passion de transmettre les chorégraphies des grues, la perfection technique du passage de Panama. Brusquement, 20 ans plus tard, une scène vient rompre le rythme : une caméra poursuit une baleine qui semble jouer à cache cache avec le spectateur. Au fond de l’eau, on partage la vie à bord d’un sous-marin et de son équipage soudé qui hurle en chœur un chant de marins. Silence et calme de la proue dansant sur l'eau.
Bernard retrouve avec nostalgie ses images épousant les mouvements du bateau, le rayon vert impossible à capter et le bonheur d’être chez soi à bord, loin de toutes les lois. Benoit devient poète face à ses images quand il dit la douleur du retour, Loiseau revit avec émotion la prière des Kroomen sur le pont de son cargo, David a filmé la furie de la mer et son patron tant aimé qui crie « on est foutus ! » avant de mourir noyé. Jacques, lui, nous transmet sa joie d’avoir 16 ans et de sillonner le monde : les escales, les filles, la nourriture, face à ses images dénuées d'exotisme et pleines de désir.
Et enfin Martinez revoit - avec la même émotion que celle qui nous étreint - ses images qui ont fait le tour du monde : une tragédie contemporaine qu’on filme aujourd’hui sur la mer bleue de méditerranée. À partir de tous ces films, mon film est une Odyssée à travers les mers les pays et les époques. Un voyage qui a fait grandir ces hommes, et qui nous dit le monde, dans leurs yeux.