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Les États généraux du film documentaire 2023 Édito

Édito


Trente-cinquième édition, si l’on veut compter. Trente-quatre ans, c’est l’âge d’un des personnages du premier volume du roman de Jean-Paul Sartre, Les Chemins de la liberté , qui a pour titre L’Âge de raison. Dans l’écriture romanesque du philosophe, le regard est très présent. Relier temps, regard et liberté, peut sembler une évidence ou une trop rapide association et pourtant… Les déliaisons de ces trois termes, trois espaces ou trois actes, que provoquent les défaillances de notre expérience du temps, croissantes dans nos sociétés hyper connectées, ne sont pas étrangères à certaines formes d’aliénation. On espère encore que le travail des films, les fabriquer tout autant que les regarder, est une tentative d’articulation, de réappropriation de ces trois expériences.
Au cœur d’un temps présent qui brûle, à tous les sens du terme et des situations, une réflexion sur la représentation de la justice au cinéma, des procès filmés et de l’image comme preuve inaugurera cette semaine à Lussas. Nous retrouvons le regard et l’analyse croisés de l’historienne Sylvie Lindeperg et de la philosophe Marie José Mondzain, toutes deux s’intéressant particulièrement au cinéma et à l’image, à leur pouvoir et leur usage, pour cette fois rendre compte de l’exercice de la justice.
La rencontre avec un film que nous avons patiemment attendu, Voyage au lac et une cinéaste, Emmanuelle Démoris, nous invite à l’expérience d’un temps partagé, à la découverte d’un territoire et de ceux qui l’habitent. Un travail sur une longue durée qui nécessite un fort engagement, autant de celles et ceux qui fabriquent les films, les accompagnent et les diffusent, dans des conditions souvent difficiles, voire précaires. La situation n’est pas nouvelle mais elle ne s’améliore pas et nous continuons de penser précieux le temps pris à imaginer et faire des films comme celui de les regarder ensemble. Cette année, deux nouvelles cinéastes, Safia Benhaïm et Dounia Wolteche-Bovet, nous accompagneront dans ces « expériences du regard », et porteront leur choix de la programmation du même nom, autrement dit « des films qui par le chemin qu’ils parcourent nous remettent en mouvement ».
Nous poursuivons les compagnonnages d’une année pour porter notre attention aux films d’un pays étranger, avec Pauline David pour la Belgique, plus proche de nous que le Japon l’an dernier et dont la richesse de la création nécessitait de s’y arrêter. Ces collaborations se pérennisent et tissent un réseau d’interlocuteurs privilégiés à l’international, affranchies des contraintes des festivals compétitifs et plus proche d’un dialogue prolongé. Compagnonnage pérenne également avec Federico Rossin, pour une approche historique du cinéma d’un pays à l’histoire très tourmentée, la Colombie, et un prolongement avec les œuvres de Luis Ospina.
Dans sa fonction première de médiation, le festival propose des œuvres de patrimoine et des créations contemporaines, orienté par un travail de transmission et de découverte. Une exigence de regard critique accompagne chaque situation de rencontre avec un film, c’est-à-dire une approche plus distanciée et plus réflexive, plus analytique et théorique mais pas moins sensible, de l’écriture cinématographique. Pour inaugurer « L’exercice critique » et vous convier à l’exercice d’une parole sur les films, nous avons invité Romain Lefebvre des Cahiers du cinéma à choisir et partager son regard sur un film.
La réappropriation du temps passe aussi par l’espace de la projection lorsque les films s’inscrivent dans notre mémoire comme une expérience, et avec Gaëlle Rouard, tous les moments depuis la fabrication des images jusqu’à leur projection forment un processus expérimental, inoubliable.
Et pour clore cette édition en cette Année du documentaire 2023, à l’initiative et avec le soutien considérable de la Cinémathèque du documentaire, du CNC et de la Scam, nous vous proposons un ciné-concert exceptionnel !

Pascale Paulat et Christophe Postic