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Les États généraux du film documentaire 2023 Route du doc : Belgique

Route du doc : Belgique


Le documentaire belge s’ingénie à déboulonner les statues qui jalonnent les territoires de nos mémoires, exploser les frontières entre les genres cinématographiques, explorer aussi les formes qui racontent l’insoumission de la pensée. Refusant l’ennui des routes bien tracées, il se pose en ligne de fuite des paysages audiovisuels flamands et francophones, avec l’aide, notamment, des ateliers de production, d’accueil et d’école, et de réseaux de production et de distribution autonomes fondés par des collectifs d’artistes.

Imaginés à la fin des années soixante-dix dans une logique économique par Jean-Claude Batz, un producteur visionnaire décidé à en découdre avec Hollywood, les ateliers s’inspirent de l’attention portée par les studios américains aux étapes d’écriture et de développement des films. L’idée est de donner naissance à des lieux où les auteur·rices pourraient tester les possibles de leur cinéma. « Élever l’exigence de qualité et ne mettre en chantier que des œuvres majeures, prêtes à inonder les marchés internationaux. Entretenir, aussi, le débat et l’effervescence, jouer un rôle d’ouverture et de provocation en favorisant les projets susceptibles d’assurer le renouveau des genres, non pas seulement au plan formel du langage et des styles, mais encore et surtout au plan fondamental du sujet, de l’accueil des sujets et des libertés à prendre avec les stéréotypes qui dominent leur traitement. » Les pouvoirs publics leur ont donné un cadre et les professionnel·les du cinéma s’en sont emparé·es pour en faire des lieux vivants et souples au service de leur secteur. Les ateliers sont ainsi devenus, au fil des années, le dispositif majeur de soutien aux cinéastes en prise avec le réel, via la (co)production, le prêt de matériel ou la diffusion des films. Malgré leurs moyens financiers serrés, il est impossible aujourd’hui (rare en tout cas) d’arpenter les chemins de la réalisation documentaire en Belgique francophone sans faire étape par ces communautés artisanales. Dominique Lohlé (Rage, coréalisé avec Guy-Marc Hinant) a été un pilier de l’AJC (Atelier Jeune Cinéma) à la fin des années quatre-vingt-dix, Effi et Amir (By The Throat) sont passés par le CVB (Centre Vidéo de Bruxelles) pour leurs premiers films, le Gsara accompagne ceux de Rosine Mbakam (Les Prières de Delphine) ou de Sarah Vanagt (Divinations). Maxime Jean-Baptiste (Moune Ô) a été formé au SIC (Sound Image Culture) et est coproduit pour son dernier film par l’atelier Graphoui. D’autres ateliers de production, encore, tel Dérives, fondé par les frères Dardenne et dirigé actuellement par Julie Frère, sont engagés également auprès des auteur·rices émergent·es. Last but not least, les ateliers d’accueil CBA (Centre audiovisuel à Bruxelles) et WIP (Wallonie Image Production à Liège) accompagnent en complément le travail de création des cinéastes. Les films de Khristine Gillard (Les Minuscules), par exemple, sont coproduits par le CBA.

Cette volonté d’expérimenter, la détermination à proposer de nouvelles formes et manières de produire, et de revisiter la matière filmique, trouve son pendant côté flamand, grâce à de dynamiques collectifs d’artistes. En dialogue constant avec le secteur académique – le KASK, à Gand, en tête –, ces organisations indépendantes sont des lieux de recherche et de réflexion sur les pratiques artistiques hybrides et l’outil cinéma. Elles sont souvent également des structures de production et distribution pour les films de celles et ceux qui les animent, telles les plateformes elephy, créée par Rebecca Jane Arthur (Hit Him on the Head with a Hard Heavy Hammer) et Eva Giolo (Flowers Blooming in Our Throats) avec deux autres artistes, ou Jubilee, dont Vincent Meessen (Juste un mouvement) fait partie. Elles ont parfois des fonctions complémentaires, comme la revue de cinéma Sabzian, avec laquelle Hannes Verhoustraete (Vue brisée) collabore. Ou argos, un centre audiovisuel bruxellois ressource, engagé dans la diffusion de nombreux films produits par les différents collectifs d’artistes. Depuis quelques années, ce réseau actif de structures variées s’attache à développer des temps et espaces de partage favorisant la circulation des réflexions et des expériences entre les différentes communautés de Flandres et de Bruxelles.

Plonger dans le documentaire belge, c’est découvrir ce terreau complexe de pratiques cinématographiques, s’en détacher aussi, et se laisser porter par les intuitions de ses auteur·rices. Leur résolution, notamment, à ne pas s’en laisser conter et orienter nos regards vers de nouveaux récits.

Pauline David

Une programmation de Pauline David (programmatrice et directrice du Festival En ville !, Bruxelles) et Christophe Postic.
En présence de Pauline David, Christophe Postic, Rebecca Jane Arthur, Khristine Gillard, Sarah Vanagt (sous réserve) et Hannes Verhoustraete.